Accueillir, héberger, habiter
le terrain vague
Louanne Berger, Marion Faou, Mariia Kovalova


Entre le désordre du carrefour Beauséjour et le calme vert de la Chézine, s’étend un tissu résidentiel très serré, peuplé de maisons nantaises de quelques étages à côté desquelles poussent occasionnellement une barre, une tour, un petit ensemble. Les rues sont calmes, désertées. Les voitures et les bus passent vite, cherchant à gagner Nantes ou à s’en extirper. Ici nous ne foulons que du bitume, toute la verdure est jalousement gardée dans les jardins, gardée secrète, gardée privée.
Mais au cœur de cet assemblage dense de maisons, de petits et grands ensembles de la périphérie de Nantes, une bizarrerie, un trou, un vide.
Un terrain vague de plus de 13 hectares. Un ancien lycée maintenant détruit, laissant une place au rien. Au rien mais pas tout à fait, à 600 migrants trouvant refuge de 2018 à 2020 dans le gymnase abandonné. De ce période aujourd’hui il ne reste plus de traces, seulement des souvenirs, des évocations, quelques paroles échangées sur le pas des portes. Une période très mal vécue ou simplement ignorée, occultée.
Mais aujourd’hui l’espace vide au sein des métropoles est cher, rare, précieux, il y a nécessité de l’occuper, de programmer, de l’habiter, le recouvrir.
Mais alors que faire ? Le sur-peupler d’abord, habiter le moindre de ces recoins, peupler, peupler et encore peupler. L’espace vide ici n’est pas sa place. N’habiter que ses franges et laisser son cœur intact, son cœur vide, mais un cœur où sont pouurait se développer un récit alternatif, des interactions, des rencontres et des échanges.)Ou ne rien construire, garder dans la ville un espace vide, une friche, un vide. Construire enfin une éloge de nos terrains vagues.
Ici pas de réponses, seulement des explorations, pour tenter de répondre à la question :
Où le lien entre les populations du quartier si éloigné se créera-t-il ?Comment mieux accueillir, inclure dans la ville les populations fragiles et précaires venues de loin, de voyages longs, violents et périlleux. Comment creer du partage de connaissances, de cultures dans un contexte de ségrégation des populations.

Mais qui habite derrière les grilles ?
13 avenue de la Baraudière
Derrière les grilles, habitent les gendarmes et leurs familles. Hauts logemements de fonction s’élévant et percant le ciel du quartier bas et tranquille
Les sorties et entrées sont controlées, surveillées, le terrain est périmètré, traçé par des barbelés et des arbres hauts.
Quartier dans le quartier ?
Ici les familles se connaissent, se rencontrent dans leur espaces à l’intérieur de leur frontières barbélées. Mais quel contact avec l’extérieur ? L’école publique au bout de la rue comme lieu de rencontre avec le reste du quartier ?

Passer sous la barre
Avenue des Floralies
L’ensemble les Floralies, barre de 11 étages, et de 110 m de long, trace une frontière au sein du quartier. Une limite entre le Nord et ses petites maisons et le Sud et ses grands ensembles, entre l’arrière cour vaste et sauvage et le terrain vague. Pourtant une petite rue traverse la barre, y perce un trou au niveau du sol. Seulement utilisée par des voitures, le piéton et les rencontres ne sont pas les bienvenus.
Mais la percée peut-elle s’agrandir ? Le passage ne serait plus qu’un simple passage mais deviendrait point de rencontre entre les habitants de la barre et du quartier.

Décadnasser le terrain vague
48 avenue de la Baraudiere
Au coeur de notre périmètre, un terrain vague, une étendue nivellée autour desquel les éléments du quartier gravitent.
Ancien lycée, on y projete la construction d’un ensemble d’habitation pour 2025, d’ici là le terrain reste vague, à nu.
Mais est-il réelement aussi dépouillé ? Des arbres, des herbes hautes, du sable, une grande étendue qui fait frontière entre les barres au sud, l’ecole au sud-ouest, et les logements mitoyens au nord et nord est.
Mais peut-il devenir un point de convergence, le point d’attraction des chemins se croisant, se dessinant à travers le quartier ?
Le cadanas peut-il sauter ? Nous laisser traverser et ne plus contourner ?

Chemins de traverse
Impasse, 54 avenue de la Baraudière
Quitter le goudron, les voitures, un instant, c’est possible.
Pour se rendre chez eux, ces habitants empruntent une voie de graviers et de terre sèche. S’éclipser un peu du trafic permet une vie dehors moins exposée au rythme et dangers de la voiture.
Ces cheminements existent dans le quartier mais restent minoritaires ou trop dissimulés. Peuvent-ils se multiplier ? Dans une autre forme peut-être, s’imisser dans la vie de quartier, reliant à pas d’homme, de femme, et d’enfant les points clés du quartier ?

Nourrir le quartier ?
Avenue des Genets
On prend du temps à comprendre la nature de cette endroit. Et pourtant à travers les haies on distingue des plantes, des pousses, des tuteurs. Un jardin ? Un potager.
Mais un jardin privé, enfermé, pour une consomation personnelle. Un lieu si grand pourrait-il répondre à une plus grande ambition ? Pourrait-il nourrir un quartier ? Il deviendrait alors le marché des voisins. Des jardins partagers dans lequel chacun pourra venir échanger des savoirs-faire, des légumes et des bons moments.

Sortir le jeu de l’école
Rue des grands bois
Nous sommes campées devant les grilles de l’école, à attendre le bruit, le mouvemement qui s’échappera de cette cour muette du dimanche matin.
Mais le bruit vient de derrière nous. Des pas d’enfants, précipités, troublent un instant la tranquillité du quartier. Pas le temps de les intercepter.
Car, dans ce quartier, on bouge lentement, renvoyés à pied, au plus près des murs, le plus loin des voitures filantes à toute allure.
Dans ces rues très résidentielles, on ne sort plus ou seulement de passage, mais le jeu y aurait-il encore une place ? Pouvons nous encore dévaller la rue de l’école ? Pouvons – nous faire sortir le jeu des grilles de l’école ?



La parole habitante
“Je n’aime pas les magasins de la route de Vannes, ils sont mal organisés, on ne trouve pas ce que l’on cherche.
Ducoup, je prends ma voiture pour faire mes courses ailleurs.”
“Il y a eu jusqu’à 800 migrants. Pour nous ça a été une période très difficile, on a quitté la maison pendant un an.”
“Le quartier n’est plus aussi calme qu’il y a 40 ans.
Les enfants jouaient dans la rue, y’avait pas de voitures. Aujourd’hui, je ne vois plus d’enfants, il y a trop de circulation pour ça.”
Situer le terrain vague : un vide dans le quartier dense


Tableau de réferences : outil multiscalaire


Le collage, le récit, se raconter la Baraudière

Je rentre de l’école, il est 16h. Je remonte la rue où la bus passe chaque matin. A chaque fois je passe à l’ombre de la grande barre grise. Elle est immense, j’ai l’impression de ne jamais lever assez haut la tête pour voir le toit. A gauche il y a le vieux gymanse, je change alors de trottoir, cet endroit me fait peur. Il y a quelques jours des dizaines de personnes sont venues et se sont installées. Maman les appellent les «migrants». Moi je ne comprends pas qui ils sont.
Une fois avec Lisa, on s’est approchées, on a poussé la porte du vieux gymnase. Il y avait beaucoup de gens allongés sur des draps posés au sol, il y avait beaucoup de bruit, des langues toutes inconnues.
Un enfant de notre âge s’est approché, le poing fermé. Nous étions pétrifiées. Arrivé tout proche de nous, il a ouvert sa main et a devoilé quatres jolies billes dans sa paume. Nous sommes restés longtemps à les regarder, émerveillées.
Maman m’a dit qu’il ne fallait pas s’approcher d’eux, mais je sais que j’y retournerai. Demain, je prendrais les plus belles billes de ma collection et je passerai une nouvelle fois la porte du gymase.

Trois degrès d’hypothèse

Pour une campagne saine, la ville doit être dense. Usons de cette terre déjà abimée des mains et machines de l’Homme. Nous dressons dans le quartier un complexe d’activités et de logements compacté, condensé. Le trafic routier s’amplife, les services aussi, mais c’est toute une nouvelle offre de logements qui est permise, un marché immobilier qui peut se Dans le quartier calme, la densification comme une menace, une Épée de Damoclès.


Sur ce terrain vague, le coeur doit respirer un peu. Peut-on y laisser un creux, une petite cavité. Nous ne construisons qu’autour, des logements, quelques services, une épicerie, des bureaux d’associations mutligénérationelle et multiculturelle.


Sur ce terrain vague, le coeur doit respirer un peu. Peut-on y laisser un creux, une petite cavité. Nous ne construisons qu’autour, des logements, quelques services, une épicerie, des bureaux d’associations mutligénérationelle et multiculturelle.
