5. Vive la vacance

Quelle stratégie adopter pour faire de la vacance les fondations d’un nouveau centre-ville ?

Lehé Périne _ Valandy Inès _ Picot Simon


https://vimeo.com/user233720901

TEXTE MANIFESTE

C’est un fait, la vacance des cellules commerciales dans les centres-villes en France est un fléau. En tout, ces espaces vacants concernent 10 à 25% du nombre total de cellules. Leur caractère commercial rend ces derniers facilement aménageables et offre des possibilités d’usages transitoires. Ainsi, ces locaux qui ne demandent qu’à être occupés représentent certainement un levier important pour une transformation potentielle du centre ville. En effet, cette vacance commerciale élevée est le signe d’un centre-ville en déclin qui consomme plus qu’il ne produit. L’arpentage de l’espace public suit un scénario qui pousse à la consommation matérielle, culturelle et patrimoniale. Il n’est approprié qu’à condition de boire un verre en terrasse sur la place Graslin ou de se laisser happer par les boutiques de la rue Crébillon et devient alors payant plus que public. Ce tumulte consumériste qui va de paire avec une hiérarchisation des prix proposés et des publics visés ne laisse que peu de place à l’habitant, à la vie de quartier et à l’espace public non marchand. Par ailleurs, en contraste avec ces rues “vitrine” se trouvent des espaces à moins forte valeur commerciale qui laissent de la place aux entrées d’immeuble ou de services. Il s’agit alors de gérer la vacance des rez-de-chaussée dans ces diverses typologies d’espaces favorisant l’accessibilité, la rencontre et le partage. Dans ce sens, la mise en place d’un outil permettant de mettre en relation des locataires potentiels avec les locaux vides semble nécessaire. Ce dernier doit également analyser la vacance dans le centre-ville : le volume disponible, leur position géographique, l’environnement proche et l’usage initialement prévu… et croiser ces données avec l’analyse faite sur le terrain afin d’ établir des stratégies pertinentes pour l’occupation de ces espaces. Ce procédé, que nous avons commencé à mettre en place (cf. catalogue), ne constitue qu’une solution partielle à la vacance. Il paraît indispensable qu’un architecte soit responsable de prendre en compte l’évolution perpétuelle de l’hypercentre et de la vacance de ses rez-de-chaussée. Ce projet processus, à la fois plateforme rassemblant acteurs concernés et outils d’analyse, prendra finalement tout son sens par sa mise à jour au fil du temps.


Cartes remarquables

VILLE EN SCENE

La rue Crébillon incarne véritablement la notion de «ville vitrine», une «carte postale urbaine» où chaque détail semble soigneusement orchestré pour refléter un certain standing. Avec ses rez-de-chaussée exclusivement occupés par des vitrines de boutiques haut de gamme, elle évoque davantage l’allée aseptisée d’un centre commercial qu’une rue hospitalière. Le sol pavé dégagé de toute installation, de végétation ou même de poubelles, participe à cette esthétique léchée, presque artificielle.

Tout y semble conçu pour séduire, pour commercialiser une image idéale de la ville, quitte à éclipser toute authenticité. Cette quête d’un environnement parfait laisse peu de place à une vie véritablement habitée. En flânant dans cet espace lisse, on s’interroge : les habitants ont-ils encore leur place ici ? Même les balcons des étages, impeccables et dépouillés, semblent participer à cette scénographie où tout est pensé pour plaire au regard, mais pas nécessairement pour accueillir la diversité.

LE DROIT DE S’ASSEOIR OUBLIE

Dans le centre-ville de Nantes, l’espace public semble peu accueillant pour ceux qui souhaitent simplement s’asseoir et profiter de l’ambiance urbaine. Les rares bancs disponibles sont bien souvent inexistants, et les terrasses de café, bien que charmantes, imposent une consommation pour pouvoir s’y installer, ce qui soulève aussi la question de leur accessibilité à tous les budgets. Au centre de la place Royale, les rebords de la fontaine semblent être les seuls espaces où les passants peuvent s’asseoir, idem pour la place Graslin avec les marches du théâtre.

Cette situation crée une certaine frustration chez les passants, les familles ou les personnes âgées cherchant un coin où se reposer sans obligation de débourser. Le manque de sièges accessibles met en évidence la nécessité de repenser notre espace urbain pour le bien-être de tous.

LES TOURISTES N’Y PASSENT PAS

Le constat est flagrant, dans le centre-ville de Nantes trois artères principales se démarquent parmi de nombreuses rues existantes. La rue du Calvaire, la rue Crébillon et Commerce. Ces trois espaces traversent le centre-ville d’Est en Ouest. Idem pour les rues Rubens, Scribe et du Chapeau Rouge ; mais celles-ci sont secondaires, tout comme les traversées perpendiculaires du Nord au Sud. Ces passages sont souvent oubliées des itinéraires touristiques malgré qu’ils soient tout aussi agréables à parcourir de part leur aspect généralement plus calme et intime.

Là où les rues principales se parent de décoration et d’effervescence, les rues secondaires deviennent des lieux où s’accumule ce que l’on ne veut pas exposer. Pourtant, c’est dans ces recoins que l’authenticité de Nantes s’exprime. Ainsi, ces rues, bien que discrètes et parfois négligées, jouent un rôle crucial dans le fonctionnement de la ville.


Rue Scribe et Rubens, une allée peu fréquentée qui se vide

L’hypercentre entre attractivité en déclin

Le secteur fait face à un double défi : résoudre la vacance actuelle des rez-de-chaussée et anticiper celle qui surviendra dans les années à venir. La vacance est un phénomène récurrent, ce qui rend insuffisant un simple aménagement ponctuel.


L’idée d’un outil permettant de connecter les futurs occupants avec les espaces vacants pourrait offrir une solution pérenne. Cet outil, adaptable et évolutif, pourrait se décliner sous différentes formes, détaillées dans les scénarios envisagés. Plus largement, il s’agirait d’un processus dynamique, conçu pour évoluer avec la ville tout en répondant aux besoins des clients, des habitants, et des nouveaux arrivants.


De plus, l’occupation de ces espaces vacants peut contribuer à résoudre certains enjeux actuels identifiés. Les scénarios proposés s’éloignent du modèle traditionnel du commerce pour privilégier des usages innovants : des espaces accessibles aux passants, des services pour les habitants, ou encore des parcours alternatifs qui détournent l’attention des grandes artères du quartier.


Tableaux des enjeux / références


Suite à cette phase d’analyse précise du territoire de l’hyper-centre nantais, trois situations hypothétiques de projet ont émergé :

LA GRANDE LOTERIE

L’attribution aléatoire des rez
de-chaussés continue et ils se
remplissent peu à peu. Cependant
cette distribution ne prend pas en
compte la taille, l’accessibilité ou
l’emplacement. Cela permet de
respecter le souhait de mixer les
usages au sein d’une rue. Mais cela
entraîne également un déséquilibre
des locaux et un manque de logique
dans leur utilisation. Si quelques
situations peuvent être idéales ce
n’est pas le cas partout et certains
projets ne sont pas développés à
leur plein potentiel.

PARCOURS PARALLELE

La stratégie adoptée est ici de
donner à des rues à moins forte
valeur commerciale un nouveau
dynamisme en y intégrant des usages
liés aux services de proximité, à
la culture ou aux associations.
L’exemple du développement d’un
parcours culturel sur la rue Scribe
peut illustrer cette hypothèse.
Encourager l’accès à des artistes
et artisans aux locaux vacants de
cette rue a effectivement insuffler à
terme un dynamisme qui ne tourne
plus qu’autour du commerce de
biens, mais autour de l’accès à la
culture. A force d’avoir favorisé
l’implantation d’acteurs culturels
dans ces espaces, leur attractivité
a diminué la paisibilité et l’intimité
qui les distinguaient de lieux
plus touristiques. A terme, la rue
Crébillon et la place Graslin sont
délaissés pour faire place à cette
nouvelle manière de voir la ville.

NOUVELLE MISE A JOUR DISPONIBLE

Sur la base d’une analyse régulière
du centre ville, les usages se
développent en cohérence avec leur
environnement. Une équipe qualifiée
suit les initiatives et pose un cadre
et des limites afin de définir une
stratégie globale d’aménagement
urbain. Ainsi, les intentions sont
contrôlées pour être respectées
sans qu’un autre élément ne vienne
prendre le dessus.


Vidéo de présentation du projet


Les enjeux présenter dans le projet « Vive la vacance » n’ont pas suffisamment attisé la curiosité des étudiants et le site n’a pas été retenu pour le concours. Le bouton ci-dessous redirige vers un projet processus présenté au concours :